Bourema Sagara est avocat associé au cabinet JFC Avocats

Parallèlement à l’arbitrage, le droit Ohada a instauré le régime juridique de la médiation, encourageant le développement des modes alternatifs de règlement des différends dans la zone OHADA, mais aussi le climat des affaires et les échanges internationaux, en renforçant la confiance des investisseurs locaux et étrangers.

Rien de très nouveau…

Les modes alternatifs de règlement des différends ne constituent pas une pratique nouvelle, encore moins la médiation. La médiation est, en effet, depuis longtemps ancrée dans les sociétés africaines même si elle n’était pas formellement structurée. C’est une pratique ancestrale, par laquelle on soumet à des personnes de bonne moralité (sages, patriarches, etc…), divers litiges sociaux dans le but de préserver l’harmonie au sein de la communauté(note 1).

Avant l’adoption de l’acte uniforme (par le Conseil des Ministres de l’OHADA, lors de sa session tenue les 23 et 24 novembre 2017 à Conakry), seuls trois pays avaient légiféré dans le domaine : le Burkina Faso (loi n° 52-2012 du 17/12/2012), la Côte d’Ivoire (loi n° 2014-389 du 20/6/2014) et le Sénégal (décret N° 2014-1653 du 24/12/2014, note 2).

Une définition souple rassurant les opérateurs économiques

L’acte uniforme adopté rassure les opérateurs économiques en leur offrant un cadre juridique souple, tenant compte de leur souci de liberté et aussi de sécurité en ce qui concerne leurs investissements. A cette fin, l’AUM est à la fois simple (seulement 18 articles) et complet. Tout d’abord, l’AUM définit la médiation comme « tout processus, quelle que soit son appellation, dans lequel les parties demandent à un tiers de les aider à parvenir à un règlement amiable d’un litige, d’un rapport conflictuel ou d’un désaccord (ci-après « le différend ») découlant d’un rapport juridique contractuel ou autre ou lié à un tel rapport impliquant des personnes physiques ou morales, y compris des entités publiques ou des États »(note 3).

Nos remarques :

• en préférant le terme de processus à celui de procédure, le texte souligne l’absence de tout pouvoir juridictionnel conféré au médiateur (note 4)

• l’absence de distinction entre mediation et conciliation en fait un outil de sécurité pour l’investisseur, le texte ayant vocation à s’appliquer quelque soit l’appellation retenue par les parties (note 5). Ce qui correspond d’ailleurs à la réalité car il existe plus d’éléments rapprochant ces deux notions que les distinguant

Liberté, indépendance et confidentialité, des principes directeurs assurant la sécurité des affaires

Le texte prévoit, en premier lieu, que les parties disposent de la liberté absolue de convenir d’une procédure particulière de médiation, c’est-à-dire la manière dont elles entendent mener la médiation, y compris la possibilité pour elles de se référer à un règlement de médiation (Art. 7 al.2). Elle peuvent aussi mettre un terme à la médiation à tout moment, sans obligation de justification ou sans encourir de sanction (Art.12).

Notre remarque : ce principe basé sur volonté des parties assure la sécurité des affaires.

Le texte prévoit, comme autre principe directeur, que le médiateur doit être indépendant et impartial : il doit ainsi effectuer une « déclaration écrite dans laquelle il confirme son indépendance et son impartialité, ainsi que sa disponibilité pour assurer la procédure de médiation » (Art. 6 al.1).

Notre remarque : ce principe s’avère important même si, contrairement à l’arbitrage, la question d’indépendance et d’impartialité du médiateur ne fait pas l’objet d’une rigueur absolue, puisque d’une part, les parties à la médiation peuvent mettre fin au processus à tout moment et d’autre part, le médiateur ne peut pas rendre une décision.

Il faut, en effet, bien distinguer la médiation de l’arbitrage, en ce qu’elle a pour objet de parvenir à un accord amiable entre les parties, grâce à l’intervention d’un tiers professionnel et qualifié (le médiateur) dont le rôle consiste essentiellement à organiser les débats et accompagner les parties, tout en laissant à ces dernières l’entière liberté pour former un accord mutuellement acceptable sur le fond. Alors que l’arbitrage consiste à faire trancher le litige par un arbitre chargé par les parties par voie de sentence et dans le respect des principes de droit. Le rôle de l’arbitre choisi s’apparente à celui d’un juge étatique et la sentence qu’il rend, tout comme un jugement, s’impose aux parties et acquiert l’autorité de la chose jugée.

Enfin, l’acte prévoit, en troisième lieu, que les parties à la médiation et le médiateur sont soumis au principe essentiel de confidentialité, sous réserve d’exceptions (« convention contraire des parties, ou bien l’obligation de divulgation exigée par la loi ou rendue nécessaire pour la mise en œuvre ou l’exécution de l’accord issu de la médiation » (Art.10). Cette obligation de sécurité assure la bonne issue de la procédure de médiation.

Notre remarque : cette obligation au secret se révèle encore plus essentielle dans le domaine des affaires où les parties (engagées sur de gros investissements, par exemple dans les domaines de l’énergie, les mines, infrastructures ou télécoms) sont très souvent amenées à régler des différends portant sur des enjeux financiers relativement importants.

Procédure organisée / exécution spontanée

Lorsque la médiation débouche sur un accord, les parties vont le signer et seront soumises à une convention qui mettra à leur charge des obligations, dont elles en ont acceptées l’exécution. Alors, soit les parties déposent le document signé au rang des minutes d’un notaire avec reconnaissance d’écritures et de signatures, pour en obtenir l’exécution. Le notaire délivra une grosse ou copie exécutoire de l’accord (Art.16 al.2). Soit les parties font exécuter l’accord par demande d’homologation ou d’exéquatur auprès de la juridiction compétente (Art.16 al.3), qui peut être refusée par le juge si l’accord est contraire à l’ordre public (Art.16 al.5).

Nos remarques : Même si la médiation peut, bien sur, ne pas aboutir à accord, il est clair que les parties mettent ici toute leur bonne volonté pour obtenir un règlement favorable à tous, afin d’éviter une procédure contentieuse, bien plus longue et coûteuse.

En pratique, les règles d’exécution prévues dans l’Acte uniforme sont rarement mises en œuvre car les accords de médiation, dans leur grande majorité, sont exécutés par les parties de façon spontanée, en absence d’une exécution forcée, ce qui représente un atout de la médiation par rapport à d’autres modes alternatifs de règlement des différends.

Notes :

[1] A. DIENG, « Approche culturelle des ADR en OHADA » Journal Africain du Droit des Affaires (JADA), 2011-1, p.26

[2] J.-L CORREA, « La médiation et la conciliation en droit sénégalais : libres propos sur un texte règlementaire » Bulletin de droit économique, 2017-2, pp.1-16

[3] Art. 1er a) AUM

[4] O. CUPERLIER « L’Acte Uniforme du 23 novembre 2017 relatif à la médiation dans l’espace OHADA », Les Cahiers de l’Arbitrage, novembre 2018, n°2, p.2.

[5] J.-C. NGNINTEDEM et P. J. LOWE GNINTEDEM « OHADA: ALTERNATIVEMENT VOTRE! ARBITRAGE ET MEDIATION », Revue de droit des affaires internationales, 2018, n°5, p.514.